«Dans le mouvement de Böhme[1] à Bacon[2], il y a un grand pas en avant dans la précision et un aussi grand pas en arrière dans la sensibilité.»
G.F.W. Hegel, Leçons sur l’histoire de la philosophie
La gauche occidentale actuelle défend rarement avec beaucoup d’enthousiasme les Lumières. Et pour cause: leur héritage social est en ruine. Durant la période d’expansion qui a suivi la seconde guerre mondiale, entre 1945 et 1975, à l’est, à l’ouest, au sud et au nord, les «planificateurs éclairés» (quelles que soient les conséquences sordides de leurs décisions) avaient un certain cachet. Aujourd’hui, de Novossibirsk et Tchernobyl au dynamitage des tours de la cité Pruit Igoe à Saint-Louis [en 1972], en passant par les gigantesques aciéries semi-abandonnées et les super-autoroutes construites avec l’aide de l’Occident et de l’Union soviétique pour des dictateurs du tiers monde aujourd’hui oubliés, les ruines de l’appropriation bureaucratique du projet des Lumières ont envahi la planète.
Un plaidoyer énergique en faveur des Lumières, comme celui proposé par des penseurs comme Habermas[3] et ses disciples, peut nous apparaître comme une bouffée d’air frais dans le climat actuel du post-modernisme et des «politiques identitaires», dont l’hostilité aux Lumières, inspirée par Nietzsche[4] et Heidegger[5] (souvent sans le savoir), est dénoncée à juste titre par les partisans de Habermas.
Pour défendre sérieusement les Lumières aujourd’hui, il faut s’appuyer sur une culture historique totalement démodée et suspectée (par les radicaux «branchés» du monde académique actuel) de soutenir les intérêts du «Mâle Blanc». Mais ceux qui défendent les Lumières ne comprennent souvent pas la gravité du problème. On ne peut aujourd’hui défendre les Lumières (et une telle défense est certainement nécessaire) en s’appuyant uniquement sur les idées de ce courant. Aussi désagréable que ce soit dans le climat actuel, où le projet des Lumières est partout attaqué par les nietzschéens, les idéologues des «cultural studies[6]», les fondamentalistes chrétiens, juifs et musulmans, les disciples de Michel Foucault, les afrocentristes[7] et la plupart des écologistes, il nous faut discuter des limites des Lumières si nous voulons les défendre mais surtout les dépasser.
Les militants de gauche qui souhaitent défendre les Lumières avec un esprit critique établissent souvent, de manière précipitée, une continuité directe des Lumières jusqu’à Marx, et commettent ainsi une grave erreur.
Depuis la révolution française de 1789, les Lumières ont toujours eu des détracteurs, tels Burke, de Maistre, Chamberlain[8] et d’autres porte-parole de la contre-révolution au XIXe siècle. Mais une autre critique des Lumières est apparue en Europe bien avant la révolution française, critique représentée par le mouvement allemand du Sturm und Drang[9] ; celui-ci comprenait des penseurs importants comme Herder et Goethe[10], et il a ouvert la voie à encore une autre critique des Lumières: le romantisme. Les romantiques sont certes rares aujourd’hui, et, parmi les nihilistes postmodernistes, bien peu prennent la peine d’attaquer «la dialectique du romantisme». Le mouvement proto-romantique du Sturm und Drang et les romantiques européens après 1800 ont ajouté de nombreux éléments à la tradition révolutionnaire.
Winckelmann[11] a étudié l’art grec en défendant un philo-hellénisme étranger aux contours romano-latins des Lumières françaises. Il défendait une vision de la communauté dans la polis qui a inspiré Hölderlin[12] (que l’on peut difficilement ranger dans les «Lumières») et les premières réflexions de Hegel, lorsqu’il rejetait l’étatisme de la plupart des Français partisans des Lumières. Les travaux de Herder (et ceux moins connus de Vico[13]) ont donné naissance à une vision étrangère aux Lumières, selon laquelle les institutions sociales ne découlent pas de principes abstraits, mais sont la mémoire, le produit de l’histoire.
Marx a étudié les travaux de l’école conservatrice allemande des historiens du droit, afin de s’approprier des éléments de leur critique organiciste de l’abstraction des Lumières pour la mettre au service du mouvement révolutionnaire. Des philosophes romantiques comme Schelling[14] et Fichte ont développé une idée que l’on ne trouve nulle part dans les Lumières, sauf sous une forme atténuée chez Kant, à la fin de ce courant l’activité humaine constitue la réalité par le biais de sa praxis. G.F.W. Hegel, qui critiqua à la fois les limites des Lumières et celles du romantisme, introduisit tous ces éléments dans une philosophie de l’histoire qui, comme l’a dit Herzen[15], était l’«algèbre» de la révolution. Il n’y aurait pas eu de Thèses sur Feuerbach[16] sans ces penseurs, et donc pas de Marx tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Et que disent les Thèses sur Feuerbach?
«Le principal défaut, jusqu’ici, du matérialisme de tous les philosophes – y compris celui de Feuerbach est que l’objet, la réalité, le monde sensible n’y sont saisis que sous la forme d’objet ou d’intuition, mais non en tant qu’activité humaine concrète, en tant que pratique, de façon non subjective.»
Marx se réfère ici explicitement aux matérialistes des Lumières (Hobbes, Mersenne et d’Holbach[17]); et il poursuit: «C’est ce qui explique pourquoi l’aspect actif fut développé par l’idéalisme»; il fait ici allusion à Schelling, Fichte[18] et Hegel, dont aucun ne peut être considéré comme un penseur des «Lumières», même s’ils ne leur sont pas non plus radicalement hostiles, comme l’ont été, par contre, des penseurs comme de Maistre, pour qui les Lumières, puis la Révolution française, marquaient tout simplement l’éruption de Satan dans l’histoire.
Il nous faut souligner une autre différence importante entre les Lumières et Marx: l’attitude à l’égard de la religion. Ce point est particulièrement important puisque la plupart des marxistes ont eu tendance à penser que la conception de Marx rejoignait celle de Voltaire: la religion serait «mauvaise», «fausse», «infâme».
Mais Marx a pris position à l’issue d’une discussion philosophique très riche sur la religion, discussion qui a duré un demi-siècle entre les idéalistes allemands, puis après que son prédécesseur matérialiste Feuerbach eut publié le fruit de ses réflexions. Marx a donc analysé la religion «comme le cœur d’un monde sans cœur, l’esprit d’un monde sans esprit». Pour lui, elle offre un excellent exemple de ce qu’il a appelé l’aliénation, processus par lequel les êtres humains inversent leurs rêves d’une vie meilleure en les transposant dans un autre monde. Mais un voltairien n’aurait jamais écrit, pour paraphraser ce qu’a écrit Marx à propos de la philosophie, que «l’on ne peut supprimer la religion sans la réaliser[19]». Les athées partisans des Lumières n’ont jamais affirmé qu’il fallait «réaliser» quoi que ce soit, parce que ce type de conception (partagée par Marx) reconnaît la vérité (aliénée) de la religion.
L’opposition entre l’Histoire et les principes abstraits ; entre la communauté de la polis[20] et l’étatisme; entre la vérité humaine (aliénée) de la religion et l’athéisme du XVIIIe siècle; entre la constitution du monde à travers l’activité humaine et une vision contemplative de la réalité conçue comme «extérieure»»: tous ces concepts-clés n’ont pas été développés par les Lumières, mais par le Sturm und Drang, puis par le romantisme et l’idéalisme, et ils ont tous été fondamentaux pour Marx. Il n’existe donc pas de ligne droite allant des Lumières au socialisme, et qui permettrait aux postmodernes de les critiquer facilement tous les deux, et de démolir un «discours du maître[21]» favorable à la «domination» en utilisant une conception primaire du «matérialisme» qui découle de l’atomisme newtonien. Ce télescopage entre les Lumières et le socialisme rappelle en réalité (et généralement de façon absolument pas intentionnelle) le stalinisme. Celui-ci, d’ailleurs, ne s’est guère servi des sources utilisées par Marx après les Lumières (ou même avant) et que nous venons de brièvement mentionner.
Les «maîtres à penser» qui ont inspiré les théories politiques des Lumières sont Hobbes, Locke, Rousseau et Kant[22]. Mais c’est exactement ici que les problèmes surgissent. Les Lumières ne sont pas seulement, ni même principalement, un corps de doctrines ; elles sont cela, mais sont encore davantage un projet de société et une pratique sociale qui ont été, dans la majorité des cas, repris et mis en œuvre par des fonctionnaires de l’Etat. Ce ne fut pas le cas en Angleterre, où la pensée des Lumières des XVIIe et XVIIIe siècles, et le travail de Bacon, Newton, Hobbes, Locke, Hooke, Boyle, Smith, Gibbon, Hume et Paine[23] se déployèrent dans une nouvelle société civile qui avait réussi à se libérer de l’absolutisme grâce aux révolutions de 1640 et de 1688. Ce ne fut pas non plus le cas en Amérique, où Jefferson, Franklin, Paine et Madison furent tout autant à la pointe du combat pour libérer l’Amérique de la domination coloniale. Mais, sur le continent européen, les Lumières, dans une grande mesure comme idéologie et surtout comme pratique de l’absolutisme éclairé, étaient totalement étatistes, qu’il s’agisse des philosophes et de leurs rêves de despotes éclairés en Asie, des Jacobins français, ou des réformateurs prussiens de 1808. En France, en Espagne, au Portugal, dans les Etats italiens, en Prusse, en Suède, en Autriche et en Russie (et dans les colonies françaises et espagnoles du Nouveau Monde), les Lumières furent la théorie et la pratique des fonctionnaires travaillant pour les Etats absolutistes. Voltaire à la cour de Frédéric II de Prusse (1712-1786) ou Diderot à la cour de Catherine II dite «la Grande» (17291796 ne sont que les exemples les plus connus des rapports étroits qui s’établirent entre les philosophes et les absolutismes éclairés de leur époque. Même Napoléon, d’une manière déformée, a propagé des réformes étatistes éclairées en conquérant l’Europe.
Il est bien possible que le meilleur de la pensée de Voltaire et Diderot ait été «en contradiction» avec leur idée d’influencer les monarques les plus puissants et de les pousser à agir pour le bien commun. Le fait de souligner les réalités de leur étatisme ne nous conduit pas à réduire les Lumières à l’apologie du «pouvoir» (selon Foucault) ou de la «domination» (selon l’école de Francfort[24]). Il faut rejeter ces conceptions nietzschéenne et wéberienne de la rationalité.
De nombreux défenseurs actuels des Lumières sont incapables de voir que le fondement des Lumières, leur point de départ conscient et leur modèle du pouvoir de la pensée rationnelle reposent sur la physique de Newton. Mais cette conception (qui était, à son époque, incontestablement révolutionnaire) ne relevait pas seulement de la physique, ou de la nature: depuis cent cinquante ans, et même en réalité depuis trois cents ans, elle représentait le modèle même de ce que la «science» était et devait être. Pour la plupart des penseurs des Lumières (à l’exception – importante – de Diderot et Rousseau) l’exactitude et la rigueur de la physique mathématique constituaient un modèle pour tous les domaines de l’activité humaine, y compris la psyché et les arts. Des penseurs comme Condillac et d’Holbach[25] essayèrent, pendant des décennies, d’élaborer une psychologie (comme Hobbes l’avait fait antérieurement avec la politique) fondée sur le concept newtonien central de «force»; quant à Condorcet, il rêvait de créer des «mathématiques sociales». Lamettrie[26] passa de la conception de «la nature machine» à celle de «l’homme machine», ce qui fut généralisé par Laplace et LaGrange[27] dans leur notion d’un «univers machine». Et il ne s’agissait nullement d’aberrations marquant la fin de l’époque des Lumières : en effet, il faut rappeler l’impact d’Euclide[28] et de Galilée[29] sur Hobbes, les textes polémiques de Voltaire en faveur de Newton, ou enfin la position prise par Kant selon laquelle l’espace euclidien était le seul espace possible (à peu près au même moment où Gauss[30] se rendait compte que n’était pas sans doute pas vrai).
Ces métaphores fortes, et le programme qu’elles inspirèrent, eurent un impact généralisé ; cela commença par une puissante percée dans la dynamique des corps physiques, dans une nouvelle conception abstraite de l’espace et du temps, pour s’étendre à la totalité de la science et la culture. Et cet impact ne s’est épuisé que très récemment. Il y a seulement une génération, le behaviorisme psychologique[31] (héritier très dégénéré des penseurs de la fin des Lumières: Condillac, Lamettrie et d’Holbach) jouissait encore d’une audience considérable dans les universités anglo-américaines. Et dans les années 1940 Talcott Parsons[32] se vantait d’être sur le point de «fractionner l’atome sociologique».
Ainsi, tout en soutenant complètement les partisans actuels des Lumières qui veulent combattre les postmodernes, il faut aussi leur poser quelques questions : qu’allez-vous faire des Lumières aujourd’hui ? Quel programme intellectuel, politique et social pouvez-vous construire en vous fondant uniquement sur les Lumières ? (Cette question est très différente de la défense des Lumières contre ceux qui nient leur radicalité passée.)
Répétons-le: la physique de Newton n’était pas seulement une physique (celle-ci a sans aucun doute eu un grand pouvoir, et orienté les recherches pendant plus de deux cents ans) ; elle était presque une ontologie[33], et n’a pas été contestée par les Lumières. Peu de partisans contemporains des Lumières soulignent l’apport de Newton en ce qui concerne l’alchimie, l’astrologie, l’analyse de la Bible, l’histoire (et sa tentative de confirmer la vérité de la chronologie de l’Ancien Testament), la lutte contre la théologie trinitaire[34] ou ses recherches sur la coudée égyptienne. Newton lui-même plaçait tous ces travaux sur un pied d’égalité avec sa théorie physique et celle-ci n’était pour lui qu’une partie de cet ensemble. (Il est intéressant, et révélateur, que l’Ecole de Francfort et les critiques foucaldiens des Lumières soient peu diserts à ce sujet.) Beaucoup de ces recherches étaient déjà en train de devenir démodées à l’époque de Newton, et, lorsque Voltaire vulgarisa Newton en Europe après 1730, il les passa sous silence. Mais la restitution de la globalité de sa démarche suffit à démontrer que Newton n’était pas exactement, pas seulement, un penseur des Lumières. De plus, celles-ci ne sont pas nées chez les philosophes français du XVIIIe siècle mais chez des intellectuels anglais du XVIIe siècle comme Bacon. Mais s’ils situent les origines des Lumières au XVIIe siècle, leurs défenseurs se retrouvent alors empêtrés dans un bourbier où les idées reçues sur le siècle des Lumières et ses origines disparaissent.
La science newtonienne et, par conséquent, les Lumières, ont complètement démoli le type d’obscurantisme parrainé par l’Eglise qu’illustrent des événements comme le procès et l’exécution de Giordano Bruno, puis, plus tard, le procès de Galilée[35]. Mais ils ont également démoli ce que j’appellerais la cosmobiologie de la Renaissance et de la Réforme, associée à des noms tels que Nicolas de Cusa, Giordano Bruno, Paracelse, John Dee, Robert Fludd, Jakob Böhme et surtout Johannes Kepler. Des éléments de cette cosmobiologie persistent jusque chez Leibniz, co-inventeur avec Newton du calcul infinitésimal, et qui avait déjà polémiqué contre le mécanisme de celui-ci. Newton, comme nous l’avons esquissé ci-dessus, avait un côté mage de la Renaissance. Cette vision du monde cosmobiologique trouva encore son expression culturelle chez des personnalités comme Albrecht Dürer, Pieter et Jan Brueghel, Jérôme Bosch, François Rabelais et William Shakespeare, tout comme, plus tard, Alexander Pope et John Dryden[36] tentèrent de créer une littérature en accord avec la science newtonienne. Au cours de cette transition, la conception d’un espace-temps vide, atomistique, fondé sur un infini conçu comme une simple répétition (l’infinitésimal) s’est dégonflée et a été remplacée par la description d’un univers débordant de vie, où, en outre, l’imagination humaine joue un rôle central. Il suffit de penser à Paracelse, cet alchimiste, astrologue, chimiste, herboriste itinérant, chercheur et médecin infatigable. Il appelait l’imaginaire humain «l’étoile dans l’homme» (astrum in homine) et lui accordait un statut plus élevé que les simples étoiles qui intéressaient les astronomes.
Mais aucun personnage n’est plus exemplaire que Kepler : il cherchait les solides de Platon[37] dans l’ordre du système solaire et tenta de démontrer que la distance entre les planètes était conforme au réglage harmonieux de la «musique des sphères[38]». C’est cette vision du monde – cette cosmologie – qui a été remise en cause et remplacée par l’espace-temps incolore, insipide, inodore de Newton. Ce changement a affecté tous les domaines de la culture pendant trois cents ans. Et cette vision cosmobiologique du monde a été un incontestable précurseur de «l’activité de transformation radicale sensible» (sinnliche unwälzende Tätigkeit) de Marx et donc du socialisme moderne.
Par sa notion de la participation humaine à la constitution du monde (notion qui avait un goût d’hérésie pour l’Eglise), Kepler est plus proche de Marx que de tous les autres penseurs des Lumières qui se sont exprimés aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Jusqu’à une époque très récente, on reconnaissait que bon nombre de ces savants (en particulier, Paracelse et Kepler) avaient joué un rôle pionnier dans la transition «entre l’alchimie et la chimie», «l’astrologie et l’astronomie». Mais les Lumières avaient une vision complètement linéaire de cette évolution, comme si rien d’important n’avait été perdu en route. Cependant Leibniz, qui a lui-même apporté une contribution majeure à la nouvelle science, avait déjà souligné dans sa polémique contre Clarke[39], qu’un élément important avait été perdu: l’idée que la vie n’était pas le résultat aléatoire d’un univers composé de boules de billard, mais un phénomène central pour la signification de l’univers, comme l’avaient défendu Paracelse et Kepler.
Les penseurs des Lumières ne se sont pas penchés sur cette transition; au contraire, ils l’ont ignorée voire l’ont délibérément occultée. Ils ont créé le mythe des «siècles d’obscurantisme» dominés par la religion entre l’Antiquité gréco-romaine et le XVIIe siècle (pour remettre en cause cette vision, il suffit de penser à la brillante culture de l’Islam, y compris dans le domaine scientifique). Ils ont présenté la chrétienté comme un bloc monolithique totalement hostile à la science; ils ont donc façonné le mythe moderne (et moderniste) selon lequel l’histoire, avant la science newtonienne, se serait réduite à une simple bataille entre la «religion» et «l’athéisme matérialiste», ce dernier étant exactement le type de matérialisme que rejette Marx dans ses Thèses sur Feuerbach. (Marx était, bien sûr, aussi un athée, mais sa critique de la religion n’est pas la même que celle de Voltaire, comme nous l’avons déjà souligné.)
La plupart des penseurs de la cosmobiologie de la Renaissance et de la Réforme étaient, au moins nominalement, des chrétiens plus ou moins croyants – même si l’on peut avoir quelques doutes sur la foi de Giordano Bruno. Mais ils représentaient une «troisième voie», une solution alternative face à la scolastique aristotélicienne dominante propagée par l’Eglise et face au matérialisme atomistique congelé dans les Lumières. L’Eglise a souvent combattu cette «troisième voie», en même temps que le matérialisme athée, comme la plus grave hérésie. Cette «troisième voie» et son importance ont été essentiellement cachées pendant trois siècles par la description manichéenne du passé mise au point par les Lumières et reprise dans l’idéologie de la modernité.
Cette «troisième voie», dont Kepler fut aussi la figure principale, et que l’idéologie des Lumières assimila à la «religion», n’était pas du tout hostile à la science ou à la recherche scientifique. En effet, le travail de Kepler a fourni une partie de la clé de la théorie de la gravitation universelle selon Newton. La «troisième voie» a aussi défendu de nombreux points de vue à priori intenables, tels que la correspondance entre l’homme-microcosme et l’univers-macrocosme, ou la recherche – par Kepler lui-même – de la forme platonicienne, comme le cercle platonicien parfait représentant l’orbite des planètes. Kepler est passé à la postérité dans la science moderne en abandonnant cette forme pour l’ellipse qu’il a découverte empiriquement, mais il est arrivé à ce résultat en recherchant la forme platonicienne. La «troisième voie» ne disposait que de peu d’arguments, voire d’aucuns, pour contrer les succès de la théorie atomiste de Newton, jusqu’à ce que cette dernière s’épuise d’elle-même. Néanmoins, une histoire de la science depuis Newton qui tenterait de faire revivre la «troisième voie», histoire trop complexe pour être exposée ici, devrait inclure les noms de Franz von Baader, Friedrich Willhelm Schelling, Hans-Christian Oersted, Humphry Davy, Michael Faraday, Goethe, W.R. Hamilton, Georg Cantor et Joseph Needham[40], car les questions qu’ils ont posées sont loin d’être réglées.
Il est significatif que ni les partisans de Habermas favorables aux Lumières, ni ceux qui leur sont hostiles comme les «déconstructionnistes[41]» ou bien les disciples de Foucault, ne se soient préoccupés de la cosmobiologie de la Renaissance et de la Réforme. En fait, ils acceptent tous tacitement la vision linéaire de l’histoire et du progrès propagée par les Lumières, vision selon laquelle il n’existe qu’un seul type possible de progrès, et où la «troisième voie» disparaît dans la «religion» des «siècles obscurs». On peut constater ici un accord implicite entre les deux camps opposés, accord qui a rendu possible un changement et une distorsion des termes du débat. Cet accord, en grande partie tacite, accepte la division du monde entre l’Esprit (la culture) et la nature (entre Geist et Natur comme l’on dit en allemand) et laisse les mécanistes interpréter le monde de la nature, même si les divers penseurs traitent le monde de la conscience de façon très différente. Une telle division n’a été possible qu’après Newton et après la liquidation idéologique de la «troisième voie» cosmobiologique, qui, malgré ses imperfections, présentait au moins une vision unitaire de la conscience et de la nature.
La réaction aux implications du projet des Lumières pour la conscience a été rapide, elle a repris la récrimination exprimée par John Donne selon lequel «toute cohérence a disparu». Mais de Pascal à Heidegger, en passant par Rousseau, Hegel (que la nature «ennuyait», car elle était le monde de la répétition) et Nietzsche, toutes les formulations différentes sur l’impossibilité de traiter la conscience humaine sur le modèle de la physique mathématique (démarche effectivement impossible) sont parties de l’hypothèse d’une nature inerte, où «la vie» n’apparaît ni comme un astrum in homine («une étoile dans l’homme»[42], Paracelse) ni comme une vis vitae («une force de la vie», Leibniz), mais comme une sorte de force «irrationnelle» et «vitale».
Le lecteur ne doit pas en déduire que la cosmobiologie de la Renaissance et de la Réforme n’a pas eu de conséquences politiques, puisque l’atomisme et le mécanisme ont façonné la pensée politique des Lumières. Sa première (et principale) implication politique découle du fait qu’elle a été ouvertement une idéologie de l’«interrègne», apparue entre l’effondrement du Saint Empire romain germanique au Moyen Age et la consolidation du capitalisme anglais et surtout de l’absolutisme européen, qui sont tous deux parvenus à l’éradiquer partout. Dans un sens, la Renaissance et la Réforme peuvent être comprises comme un phénomène d’interrègne, mais beaucoup d’autres courants à cette époque ont fait concurrence à ce que j’appelle la cosmobiologie. Ces implications politiques n’ont pas été formulées aussi parfaitement par ses théoriciens que par les penseurs des Lumières, en partie parce que la notion du «politique» (que Marx considérait comme une séparation aliénée) ne s’est autonomisée que plus tard ; et en partie parce que ces mouvements, à la différence des Lumières, ont été principalement populaires dans les classes inférieures. Ils ont donc été complètement vaincus, et leur histoire a été écrite principalement par les vainqueurs. Leurs plus belles heures ont été celles de l’aile radicale de la Réforme (essentiellement, les anabaptistes et leur chef Thomas Münzer) et l’aile radicale de la révolution anglaise, les Niveleurs (Levellers), Diggers et d’autres petites sectes (Gerard Winstanley[43] étant le porte-parole emblématique de ce milieu). On peut apprécier pleinement la signification politique de Newton lorsque l’on comprend l’importance de ses tirades contre ces «enthousiastes», comme on les appelait. On s’aperçoit alors que les Lumières anglaises ont triomphé en écrasant l’absolutisme réactionnaire des Stuart[44] mais aussi les courants radicaux à leur gauche.
Lorsque l’interrègne se termina, vers 1650, la base sociale radicale de la «troisième voie» était socialement et politiquement battue, et les Lumières purent commencer à s’imposer, avec leurs deux projets contradictoires et rivaux: la monarchie constitutionnelle anglaise et l’absolutisme français, ce dernier devenant un modèle pour la plupart des pays européens. Mais les défenseurs de gauche des Lumières passent sous silence le fait que les Lumières anglo-françaises ont triomphé à la fois d’un rival radical, et d’un rival réactionnaire, et en ont toujours porté les traces.
Pour résumer notre point de vue, la vision du monde sous-jacente chez Marx est beaucoup plus l’héritière directe de la «réalisation» de la sensibilité par des personnages tels que Shakespeare, Jan et Pieter Brüghel et Paracelse, que de n’importe phase ultérieure des Lumières anglo-françaises et de leurs conséquences.
Que signifie aujourd’hui, en termes politiques, une telle critique des Lumières qui soit fondée sur la «cosmobiologie» de la Renaissance et de la Réforme ?
De la Révolution française aux années 1970, les courants dominants de la gauche occidentale, et les mouvements qu’elle a influencés dans le monde colonial et post-colonial, étaient effectivement des héritiers des Lumières. Ils l’ont été parce que, dans la pratique si ce n’est pas toujours dans leur discours, ils ont hérité de la tâche d’achever la révolution bourgeoise, tâche pour lesquelles les Lumières, conception la plus avancée pour une telle révolution, étaient parfaitement adaptées. La social-démocratie, à partir des années 1860, puis le stalinisme, à partir des années 1920, ont repris une grande partie des attitudes des Lumières à l’égard de la science, de l’Etat, de la technologie, de l’industrie lourde, de la rationalité, de la nature – c’est-à-dire une conception linéaire du progrès, de la philosophie et de religion. Ce point de vue était fondamentalement mécaniste et atomistique, même lorsqu’on le travestissait en un «matérialisme dialectique». Leur idéologie et leur stratégie étatistes du développement ont réussi le mieux dans les pays où aucune bourgeoisie libérale n’était suffisamment forte pour se battre en son nom propre pour le programme des Lumières et liquider des relations sociales précapitalistes. La social-démocratie et, plus tard, le stalinisme ont repris à leur compte tout le poids de l’étatisme des Lumières européennes. Ce n’était pas surprenant, car ces deux courants politiques ont surtout acquis de l’influence dans les pays arriérés où l’étatisme des Lumières a triomphé, essentiellement pour les mêmes raisons. Avec la propagation quasi universelle de la bureaucratie d’État durant le XXe siècle jusque vers 1975, que ce soit dans la démocratie libérale, la social-démocratie, le stalinisme ou le nationalisme du tiers monde, cette idéologie des Lumières s’est enracinée dans une vaste strate mondiale de fonctionnaires petits-bourgeois, quels qu’aient pu être, par ailleurs, leurs désaccords entre eux. Ce n’est pas un hasard si leur théorie de l’histoire, quand ils ont estimé en avoir besoin d’une, a été formulée par des fonctionnaires par excellence[45] comme Kant, Fichte et Hegel.
La crise actuelle des Lumières coïncide avec la crise mondiale que traverse cette couche de fonctionnaires, que ce soit dans les pays qui ont suivi le modèle de l’Etat-providence, le modèle stalinien ou le modèle tiers-mondiste. Cette crise correspond à son incapacité, après la seconde moitié des années 1970, à continuer à développer les forces productives et faire avancer le programme des Lumières, projet qu’ils ont poursuivi plutôt avec succès au siècle dernier, en particulier de 1945 à 1975.
La gauche internationale est en crise parce qu’elle a repris à son compte de façon acritique l’héritage des Lumières, et ainsi confondu les tâches de la révolution bourgeoise avec celles de la révolution socialiste ; la gauche a prétendu lutter pour l’émancipation sociale en liant complètement son combat à ceux de la bureaucratie d’Etat et de la fonction publique, obstacles irréductibles obstacles à une émancipation sociale complète. En elles-mêmes, les Lumières n’ont plus d’utilité car il n’y a plus de révolution bourgeoise à accomplir. Leur conception de la nature, influencée par l’atomisme et le mécanisme de Newton, n’a plus d’intérêt. Les Lumières ont compris, d’une manière unilatérale, l’impact de l’environnement naturel sur l’homme, mais, comme elles ne disposaient pas de l’idée de la praxis constitutive, elles ont peu choses à dire sur une époque comme la nôtre, où les problèmes de l’impact de l’homme sur l’environnement jouent un rôle capital.
Un tel constat n’a rien à voir avec le discours post-moderne selon lequel la science occidentale et la technologie ne seraient rien d’autre que de la «domination». En effet, le rôle unique de l’humanité dans la biosphère, son «espèce-être» a été formulé non pas par les Lumières, mais par le «côté actif développé par l’idéalisme», comme le dit Marx dans ses Thèses sur Feuerbach. Les Lumières se sont tournées vers la nature pour étayer leurs théories abstraites sur l’Homme naturel; elles n’ont pas compris que l’histoire de l’humanité crée constamment de «nouvelles natures», et donc de nouvelles «natures humaines», par son interaction avec la biosphère.
Les critiques des Lumières inspirées par Foucault et l’Ecole de Francfort se nourrissent de l’appauvrissement théorique de la gauche; de sa longue fascination pour une version unilatérale des Lumières; de la confusion nourrie par la gauche entre, d’un côté, l’achèvement de la révolution bourgeoise par la strate des fonctionnaires d’Etat et, de l’autre, le socialisme; et enfin de l’explosion de ce projet à l’échelle mondiale.
La cosmobiologie antérieure aux Lumières (qui est née durant la Renaissance et la Réforme, est passée par l’idéalisme allemand et a abouti à l’«être générique[46]» de Marx) a encore moins de sens pour ces critiques des Lumières que pour des penseurs comme Habermas. Pourtant, la critique que l’on adresse habituellement aux postmodernes est compromise par l’accord tacite, entre les deux protagonistes, selon lequel «la nature est ennuyeuse». Cette vision ne peut que nourrir le mécanisme, comme Hegel l’a dit, lorsqu’il a exprimé l’ultime conception du fonctionnaire d’Etat, coupée de la pratique dans la nature. Les deux adversaires qui s’affrontent dans ce débat continuent à vivre la séparation de la culture et de la nature, du Geist et de la Natur, séparation qui est apparue lorsque les Lumières ont contesté et fait disparaître la cosmobiologie. Aujourd’hui la gauche a besoin de rétablir, sous une forme contemporaine adéquate, la perspective de Paracelse et de Kepler, et non celle de Voltaire et Newton, si elle veut régénérer (et cela se fera de façon nécessairement simultanée) la nature, la culture et de la société, en reprenant ce que William Blake a appelé la «vision unique et le sommeil de Newton» dans le monde en ruine du Livre d’Urizen.
Loren Goldner, 1993
(Traduit de l’anglais par Y.C.)
[1] Jakob Böhme, 1575-1624, cordonnier de son état, auteur de plusieurs ouvrages qui lui valent d’être accusé d’hérésie, à l’origine de la théosophie, courant mystique qui mélange ésotérisme et théologie chrétienne (Toutes les notes sont du traducteur).
[2] Francis Bacon, 1561-1626, avocat, haut fonctionnaire, philosophe anglais et savant qui conçoit une théorie empirique de la connaissance.
[3] Jürgen Habermas (1929-): théoricien allemand influent dans le domaine de la philosophie et dans les sciences sociales qui s’est intéressé à des questions comme la critique de la technique et de la communication. Sur le plan politique, démocrate pro-européen convaincu.
[4] Friedrich Nietzche, 1844-1900, philosophe allemand revendiqué par des courants politiques totalement opposés. Auteur d’une critique radicale des religions, de la morale, du scientisme et de la démocratie.
[5] Martin Heidegger, 1889-1976 : philosophe nationaliste allemand, membre du parti nazi et antisémite qui sut faire oublier après-guerre et son soutien au Troisième Reich et ses proximités idéologiques avec le nationalisme pangermanique.
[6] Cultural studies (études culturelles) : courant interdisciplinaire qui prétend faire appel à la sociologie, l’anthropologie, la philosophie, l’ethnologie, la littérature, les arts, etc., pour mieux critiquer les relations de pouvoir et l’oppression des minorités.
[7] Afrocentristes : courant très hétérogène où l’on trouve le pire (explications complotistes type Tribu Ka et affabulations historiques) et le meilleur (critique des visions colonialistes, conscientes ou inconscientes, dans les travaux des historiens et des spécialistes des sciences humaines) .
[8] Edmund Burke, 1729-1797, avocat, philosophe et député irlandais, très hostile à la Révolution française et aux Jacobins ; Joseph de Maistre, 1753-1821, philosophe, magistrat, historien et sénateur savoyard, hostile aux Lumières, aux droits de l’homme et à la Révolution française ; Houston Stewart Chamberlain, 1855-1927, essayiste britannique qui influença les courants racistes et nationalistes allemands puis le nazisme.
[9] Sturm und Drang, «tempête et passion» mouvement politique et littéraire dans la seconde moitié du XVIIIe siècle qui défendait la liberté de l’individu contre les pesanteurs de la famille ou des hiérarchies sociales, vantait les vertus de la nature et était hostile à l’éclatement de l’Empire allemand .
[10] Johann Gottfried von Herder (1744-1803) : précepteur, chapelain et surintendant ; poète, théologien et philosophe qui exalta les vertus nationales de la littérature allemande, disciple de Kant et critique des Lumières ; Johann Wolfgang von Goethe, 1749-1832, romancier, dramaturge, poète, auteur d’ouvrages sur la botanique, la zoologie mais aussi ministre et diplomate .
[11] Johann Joachim Winckelmann, 1717-1768, archéologue allemand, antiquaire et historien de l’art.
[12] Friedrich Hölderlin, 1770-1843, poète et philosophe allemand qui fut récupéré par Heidegger et les nazis.
[13] Giambattista Vico, 1668-1744, philosophe, historien et juriste italien qui défend une conception cyclique de l’histoire de chaque peuple.
[14] Friedrich Wilhelm Joseph (von) Schelling, 1775-1854, philosophe panthéiste et universitaire qui critiqua Kant et Fichte, et réhabilita le rôle des mythes et rites allemands.
[15] Alexandre Ivanovich Herzen, 1812-1870, philosophe, écrivain et essayiste politique russe qui lutta contre le tsarisme et influença les socialistes et anarchistes russes.
[16] Ludwig Feuerbach, 1804-1872, philosophe allemand, membre des «hégéliens de gauche» comme Marx et qui défendit ensuite des positions matérialistes.
[17] Thomas Hobbes, 1588-1679, philosophe anglais partisan d’un matérialisme mécaniste ; Marin Mersenne, 1588-1648, religieux, mathématicien et philosophe qui s’intéressa aux fréquences des notes et à la vitesse du son ; Paul Henry Thiry d’Holbach, 1723-1789, savant et philosophe matérialiste athée, collaborateur de L’Encyclopédie.
[18] Johann Gotlieb Fichte, 1762-1814, philosophe idéaliste qui défendit l’importance de la nation allemande.
[19] «Réaliser» signifie ici «considérer comme étant une force réelle».
[20] Polis signifie «cité», donc cité-Etat à l’époque, communauté de citoyens livres et autonomes.
[21] Cette expression est définie en ces termes par le psychanalyste Jacques Lacan : «Le discours du maître fait référence à ceci : le maître met l’esclave au travail et tente de s’accaparer le surplus de jouissance qui résulte de ce travail. Son caractère fallacieux tient à ce qu’il donne à l’autre l’illusion que s’il était maître, s’il parvenait à le devenir, il ne serait plus dans la division. Il faut comprendre division dans le fait que tout être humain est divisé en lui-même, entre ce qu’il dit et ce qu’il pense.»
[22] Thomas Hobbes, 1588-1679, philosophe anglais ; John Locke, 1632-1704, théoricien anglais, partisan de l’empirisme sur le plan philosophique, et du libéralisme en matière politique (importance du contrat et des lois) ; Emmanuel Kant, 1724-1804, précepteur et enseignant universitaire allemand, philosophe qui critiqua les limites de la métaphysique traditionnelle tout en défendant l’importance d’un savoir rationnel et de la connaissance scientifique.
[23] Isaac Newton, 1642-1727, philosophe, mathématicien, physicien, alchimiste, astronome et théologien anglais ; il construit le premier télescope, applique les mathématiques à l’étude des phénomènes naturels, et est l’auteur d’ouvrages de théologie et d’alchimie ; Robert Hooke, 1635-1703, astronome, mathématicien et physicien anglais ; Robert Boyle, physicien et chimiste irlandais ; Adam Smith, 1723-1790, philosophe et économiste écossais des Lumières qui joua un rôle fondamental dans l’histoire de l’économique politique ; Edward Gibbon, 1737-1794, spécialiste de la civilisation romaine ; David Hume, 1711-1766, philosophe, économiste et historien écossais ; théoricien de l’empirisme en philosophie, plutôt conservateur sur le plan politique ; Thomas Paine, 1737-1809, intellectuel britannique qui fut député de l’Assemblée nationale française en 1792 et soutint l’indépendance américaine.
[24] Thomas Jefferson, 1743-1826, magistrat, député et président des Etats-Unis qui participa à la rédaction de la Déclaration d’indépendance en 1776 ; Benjamin Franklin, 1706-1790, imprimeur, éditeur, écrivain, naturaliste, inventeur, député, ambassadeur américain qui participa à la déclaration d’indépendance ; James Madison, 1751-1836, l’un des Pères fondateurs des Etats-Unis et l’un des principaux auteurs de la Constitution, recteur, secrétaire d’Etat et président des Etats-Unis.
[25] Etienne Bonnot de Condillac, 1714-1780, philosophe et économiste français, partisan d’un empirisme radical, qualifié de « sensualisme ».
[26] Julien Offray de La Mettrie, 1709-1751, médecin et philosophe français.
[27] Pierre-Simon de Laplace, 1749-1827, mathématicien, astronome, physicien et ministre de l’Intérieur sous le Consulat – ses hypothèses sur le système solaire influencent encore les théories actuelles sur la formation de ce système ; Joseph-Louis Lagrange, 1736-1813, mathématicien, mécanicien et astronome italien.
[28] Euclide, vers 300 avant Jésus-Christ, mathématicien.
[29] Galilée, 1564-1642, géomètre, mathématicien, physicien et astronome italien. Il révolutionna l’analyse de l’Univers en observant des planètes comme la Lune, Vénus, etc. Condamné par l’Inquisition à se rétracter en 1633.
[30] Johann Carl Friedrich Gauss, 1777-1855, théoricien des mathématiques, astronome et physicien allemand. Il eut l’intuition des géométries non euclidiennes.
[31] Behaviorisme psychologique, théorie psychologique qui étudies les comportements et les interactions entre l’individu et son milieu.
[32] Talcott Edger Parsons, 1902-1979, sociologue américain, partisan du fonctionnalisme.
[33] Ontologie : reflexion sur la signification du mot «être».
[34] Théologie trinitaire : les discussions sur la Sainte Trinité (le Père, le Fils et le Saint-Esprit) ont suscité des discussions très violentes au sein de la chrétienté, notamment au concile de Nicée (325).
[35] Nicolas de Cues (ou de Cusa), 1401-1464, cardinal et penseur allemand ; Giordano Bruno, 1548-1600, ancien frère dominicain et philosophe accusé d’athéisme par l’Inquisition et condamné à être brûlé vif ; Paracelse, 1493-1541, médécin, philosophe et théologien suisse ; John Dee, 1527-1608, mathématicien, astronome, astrologue, géographe et occultiste britannique ; Robert Fludd, 1574-1637, médecin, physicien, astrologue et mystique anglais ; Johannes Kepler, 1571-1630, astronome allemand qui définit des lois sur les mouvements des planètes.
[36] Albrecht Dürer, 1471-1528, dessinateur et graveur allemand, peintre et théoricien de l’art et de la géométrie de la perspective ; Pieter Brueghel (1525-1569) et Jan Brueghel (1568-1625), peintres flamands; Jérôme Bosch, vers 1450-vers 1516, peintre néerlandais ; Alexander Pope, 1688-1744, poète anglais ; John Dryden, 1631-1700, poète et dramaturge catholique.
[37] Platon a défini cinq solides qui étaient des polyèdres réguliers et convexes.
[38] Musique des sphères ou harmonie des sphères : cette théorie inspirée de Pythagore défend l’idée que des rapports numériques harmonieux régissent l’univers et que les distances entre les planètes sont réparties selon des intervalles musicaux.
[39] Samuel Clarke (1675-1729), théologien et philosophe anglais disciple de Newton .
[40] Franz Xaver von Baader, 1765-1841, professeur de philosophie et conseiller supérieur des mines, théosophe ; Hans-Christian Oersted, 1777-1851, physicien et chimiste danois qui découvrit l’existence du champ magnétique créé par les courants électriques ; Humphry Davy, 1778-1829, physicien et chimiste britannique qui découvrit notamment l’arc électrique ; Michael Faraday, 1791-1867, physicien et chimiste britannique qui inventa la dynamo et le benzène, liquéfia de nombreux gaz et établit la théorie de l’électrolyse ; William Rowan Hamilton, 1805-1865, mathématicien, physicien et astronome irlandais ; Georg Cantor, 1845-1918, mathématicien allemand, co-créateur de la théorie des ensembles ; Joseph Needham, 1900-1995, historien des sciences et des techniques dans la civilisation chinoise.
[41] Le terme de «déconstruction» (Abbau en allemand) a été employé par le philosophe nazi Heidegger, même s’il joue un rôle mineur dans sa philosophie, repris par les postmodernes et désormais par les gauchistes.
[42] Selon Paracelse, «l’homme est un microcosme, ou un petit monde, parce qu’il est un extrait des étoiles et des planètes de tout le firmament, de la terre et des éléments, et il est donc leur quintessence.» .
[43] Anabaptistes, courant chrétien évangélique multiforme qui prétend descendre de l’Eglise primitive et naquit au XVIe siècle. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, il existe des groupes importants comme les Amish ou les mennonites ; Thomas Müntzer, 1489-1525, prêtre qui fut l’un des chefs religieux de la guerre des paysans en Allemagne à partir de 1523 ; Niveleurs (Levellers), mouvement radical apparu durant la guerre civile anglaise (1642-1651) ; Diggers, groupe de protestants fondé en 1649 par Gerard Winstanley et défendant une sorte de communisme chrétien ; Gerard Winstanley, 1609-1676, marchand drapier, protestant anglais qui prôna l’expropriation des seigneurs et le partage des terres et fonda une communauté avec d’anciens soldats et des chômeurs qui dura quelques mois.
[44] Stuart, dynastrie qui régna sur l’Ecosse entre 1371 et 1714, sur l’Angleterre, l’Irlande et le Pays de Galles entre 1603 et 1714.
[45] En français dans le texte.
[46] Sur ce concept (Gattungswesen) que Marx a emprunté à Feuerbach et dont il a transformé le sens, il existe d’innombrables articles. Cf. par exemple http://www.persee.fr/doc/phlou0035-38411971num6945631 où l’auteur (Trân-vàn-Toàn) précise qu’il s’agit d’un «être social et historique» et non d’une «essence» abstraite.